Source: United Nations (UN) |

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels examine le rapport initial du Burundi

Le taux de pauvreté se situe aux alentours de 65% dans un pays où la croissance démographique contrarie les efforts de développement

NEW YORK, États-Unis d'Amérique, 22 septembre 2015/APO (African Press Organization)/ --

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné hier après-midi et aujourd'hui le rapport initial du Burundi sur les mesures prises par le pays en application des dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le rapport du Burundi a été présenté par le Ministre des droits de la personne humaine, des affaires sociales et du genre, M. Martin Nivyabandi, qui a indiqué que son pays était engagé à bâtir une société basée sur l'égalité et l'équité.  Les cadres stratégiques de croissance et de lutte contre la pauvreté ont permis la stabilité macroéconomique et l'accessibilité aux services sociaux de base, en particulier dans les domaines de la santé et de l'éducation, ainsi qu'une croissance redistributive en faveur des plus pauvres.  Pour ce qui est du droit à la santé, M. Nivyabandi a attiré l'attention sur la décision du Gouvernement de mettre en place la couverture santé universelle.  Il a aussi affirmé que des programmes importants ont été initiés en faveur des mères en couche et des enfants de moins de cinq ans.  Concernant le droit à l'éducation, les avancées notables enregistrées par le Burundi sont centrées sur la gratuité de l'éducation primaire pour tous.  Le Ministre a par ailleurs fait valoir qu'en vertu de la politique de discrimination positive, les Batwa sont représentés dans les institutions et bénéficient des mesures gouvernementales mises en place en faveur de la population et des groupes vulnérables.

La délégation burundaise était également composée de représentants du Ministère des droits de la personne humaine, des affaires sociales et du genre et de la Commission nationale de protection sociale.  Elle a répondu aux questions qui lui étaient posées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, de l'applicabilité du Pacte en droit interne; de l'indépendance de la magistrature; de la Commission nationale des droits de l'homme; de l'impact des événements récents sur les droits économiques et sociaux; de la situation de différents groupes, notamment les Batwa, les Baganwa et les albinos; des droits syndicaux; des personnes handicapées; de al situation des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres; de l'impact des sanctions économiques ayant frappé le pays durant de nombreuses années; du droit à la sécurité sociale; de la violence fondée sur le genre; du travail des enfants; des questions de santé et d'éducation; du sort des personnes déplacées; ou encore du problème fondamental de l'accès à la terre; du droit à l'alimentation et de la lutte contre la pauvreté.  À cet égard, la délégation a notamment indiqué que le taux de pauvreté au Burundi se situait encore aux alentours de 65%.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Burundi, M. Olivier de Schutter, a fait observer qu'en ce qui concerne le droit à l'alimentation, le Burundi est dans une situation extrêmement préoccupante: le pays se trouve en toute fin de classement de l'Indice de la faim dans le monde, 60% de sa population se trouvant en situation de sous-alimentation.  M. de Schutter a rappelé que le Burundi était sorti affaibli d'une guerre civile qui a été problématique en raison de son impact sur les droits économiques et sociaux de la population.  La situation reste aujourd'hui volatile, a-t-il fait observer, avant de rappeler que les droits économiques, sociaux et culturels sont une condition pour la pacification des rapports entre les différents groupes du pays.  Les jeunes au Burundi manquent de perspectives et ne voient pas de solutions autres que celle de retourner aux solutions violentes du passé, a-t-il déploré.  Les informations disponibles font état d'une indépendance très relative de l'appareil de justice, s'est ensuite inquiété le rapporteur.  Il a en outre relevé que le Burundi n'avait pas ratifié la Convention n°169 de l'OIT, alors que le pays compte sur son territoire des populations autochtones, notamment des Batwa.  Plusieurs membres du Comité ont déploré que le Burundi n'ait pas adopté une loi antidiscriminatoire complète.  Le manque de lois d'application du Pacte dont souffre le Burundi engendre en outre des vides juridiques qui sont comblés par le droit coutumier.  

Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport du Burundi et les rendra publiques à l'issue de la session, qui termine ses travaux le vendredi 9 octobre prochain.

Le Comité reprendra ses travaux jeudi prochain, 24 septembre, afin d'examiner le rapport de la Grèce (E/C.12/GRC/2).  L'Office des Nations Unies à Genève sera fermé le mercredi 23 septembre à l'occasion de l'Eid al-Adha.

Présentation du rapport

Le Comité est saisi du rapport du Burundi (E/C.12/BDI/1), ainsi que de ses réponses (E/C.12/BDI/Q/1/Add.1 à paraître en français) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité (E/C.12/BDI/Q/1).

M. MARTIN NIVYABANDI, Ministre des droits de la personne humaine, des affaires sociales et du genre du Burundi, a affirmé que les droits à la santé, à l'éducation et au travail sont des édifices importants pour la prospérité humaine et a indiqué que son pays était engagé à bâtir une société basée sur l'égalité et l'équité.  Ayant rappelé que la langue maternelle des Burundais était le kirundi et que les langues officielles sont le kirundi, le français et l'anglais tandis que le swahili est la quatrième langue enseignée à l'école, le Ministre a précisé que selon le recensement de 2008, le Burundi comptait 8 038 618 habitants et que l'on estime aujourd'hui la population totale du pays à dix millions.  

La Constitution burundaise précise que le Burundi est un pays laïc, a ajouté M. Nivyabandi.  Il a en outre fait valoir que selon l'article 19 de la Constitution, les droits et devoirs proclamés et garantis, entre autres, par les deux Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme, dont le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, font partie intégrante de la Constitution.  Malheureusement, peu de temps après avoir ratifié ce Pacte, en 1990, le Burundi a sombré dans une guerre civile sur plus d'une décennie et ce n'est qu'à compter de 2005, à l'issue de la mise en place des nouvelles institutions démocratiques, que le pays s'est employé à mettre en application le Pacte.

Nombre de réalisations ont déjà été accomplies, même si des défis persistent, a poursuivi le Ministre des droits de la personne humaine.  Il a notamment fait valoir qu'est garantie à toute personne physique ou morale désireuse d'installer une entreprise dans le pays la liberté d'établissement et d'investissement, aussi bien à l'endroit des nationaux que des expatriés.  Aujourd'hui, une entreprise peut être créée en 24 heures, a insisté M. Nivyabandi.  

Les cadres stratégiques de croissance et de lutte contre la pauvreté de première et deuxième génération ont permis la stabilité macroéconomique et l'accessibilité aux services sociaux de base, en particulier dans les domaines de la santé et de l'éducation, ainsi qu'une croissance redistributive en faveur des plus pauvres, a poursuivi le Ministre burundais.  Concernant le droit du travail et la protection sociale, il a fait état de l'adoption de deux politiques importantes, à savoir la politique nationale de protection sociale et sa stratégie de mise en œuvre, dont la vision est d'étendre la couverture de protection sociale à toute la population, et la politique nationale de l'emploi adoptée en 2012 dans le but de promouvoir la création d'emplois décents pour tous.

S'agissant du droit d'accès à l'habitat humain, M. Nivyabandi a attiré l'attention sur le programme de «villagisation» initié par le Gouvernement et qui a permis aux personnes vulnérables et aux sinistrés de guerre de bénéficier d'un logement décent grâce à la construction des villages ruraux intégrés.

Pour ce qui est du droit à la santé, le Ministre burundais a affirmé que des programmes importants ont été initiés en faveur des mères en couche et des enfants de moins de cinq ans.  «La construction des infrastructures médicales a permis l'accessibilité géographique des bénéficiaires», a-t-il ajouté, avant d'attirer l'attention sur la décision du Gouvernement de mettre en place la couverture santé universelle.  

Concernant le droit à l'éducation, les avancées notables enregistrées par le Burundi sont centrées sur la gratuité de l'éducation primaire pour tous, a poursuivi le Ministre, insistant par ailleurs sur le programme national d'alphabétisation des adultes étendu sur l'ensemble du territoire.  La parité entre filles et garçons à l'école primaire est déjà atteinte depuis 2011, a ajouté M. Nivyabandi.  Il a en outre indiqué que le programme d'éducation inclusive permettant aux enfants vivant avec un handicap de fréquenter l'école au même titre que les enfants valides est en vigueur depuis 2012.  Le Burundi s'est engagé à faire de l'égalité des genres une réalité, a d'autre part souligné M. Nivyabandi.

Le Ministre burundais a enfin souligné que le Gouvernement considérait aussi comme prioritaires les droits des minorités.  C'est ainsi qu'en vertu de la discrimination positive, les Batwa sont représentés dans les institutions et bénéficient des mesures gouvernementales mises en place en faveur de la population et des groupes vulnérables.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. OLIVIER DE SCHUTTER, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Burundi, a rappelé que ce pays était sorti affaibli d'une guerre civile qui a été problématique en raison de son impact sur les droits économiques, sociaux et culturels de sa population.  La situation reste aujourd'hui volatile, a fait observer le rapporteur, avant de rappeler que les droits économiques, sociaux et culturels sont une condition pour la pacification des rapports entre les différents groupes du pays.  Les jeunes au Burundi manquent de perspectives et ne voient pas de solutions autres que celle de retourner aux solutions violentes du passé, a-t-il déploré.

Le rapporteur s'est enquis de l'impact qu'ont eu sur les droits économiques, sociaux et culturels les événements récents ayant suivi l'annonce par le Président actuel qu'il allait se représenter aux élections de juillet.  Il a relevé que les revenus du pays ont chuté de manière significative entre 2014 et 2015 en raison des troubles récents.

M. de Schutter s'est ensuite enquis de la capacité de l'appareil de justice de remplir la fonction que lui assigne l'article 19 de la Constitution pour ce qui est de garantir les droits internationalement reconnus.  Les informations disponibles font état d'une indépendance très relative de l'appareil de justice, s'est inquiété le rapporteur, s'interrogeant sur les conditions de nomination des magistrats et sur les lacunes en matière de stabilité d'emploi des magistrats.

Le rapporteur s'est d'autre part enquis des initiatives que les autorités entendent prendre pour garantir l'indépendance de la Commission nationale des droits de l'homme et lui octroyer les ressources nécessaires pour qu'elle s'acquitte de ses missions.

Qu'en est-il en outre de l'intention du Burundi de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte, qui instaure une procédure de plaintes individuelles, a par ailleurs demandé M. de Schutter?

Le rapporteur a d'autre part relevé que le Burundi n'avait pas ratifié la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail,  alors que le pays a pourtant sur son territoire des populations autochtones, notamment des Batwa.  Que compte faire le pays pour assurer l'accès de ces populations à la terre afin qu'elles puissent prospérer et ne soient pas économiquement fragilisées, a demandé M. de Schutter?

Beaucoup d'observateurs font état au Burundi d'une corruption, tant au niveau local qu'au plus haut niveau de l'État, qui reste endémique et constitue un obstacle à la jouissance effective des droits économiques, sociaux et culturels, a ajouté le rapporteur.

M. de Schutter s'est aussi inquiété de la ségrégation professionnelle dont font l'objet les femmes, lesquelles sont généralement reléguées aux emplois les moins bien rémunérés.  

Le rapporteur a d'autre part attiré l'attention sur les restrictions sévères opposées au droit de grève au Burundi.

Parmi les autres membres du Comité, une experte a estimé que les droits économiques, sociaux et culturels sont insuffisamment reconnus en tant que droits humains au Burundi.  La question est peut-être en rapport avec le fait que les rapports soumis au Comité ne sont pas rendus publics et que leur processus d'élaboration ne fait l'objet d'aucune consultation auprès des organisations de la société civile burundaise.  

Évoquant la question de la corruption, l'experte a souhaité savoir si les informations concernant cette question étaient transparentes et mises à la disposition du public.  Elle a en outre relevé que la protection contre la discrimination relevait uniquement de la Constitution et qu'il n'existait pas de cadre législatif antidiscriminatoire global en dehors des dispositions constitutionnelles.  L'experte a par ailleurs souhaité disposer de données ventilées visant à connaître l'impact sur les Batwa des mesures antidiscriminatoires prises par les autorités burundaises.  Il semble qu'un certain nombre de problèmes continuent de se poser pour ce qui est de l'accès aux services de base ou encore des droits d'héritage, a-t-elle ajouté.

Le Gouvernement burundais a-t-il l'intention d'adopter une loi antidiscriminatoire complète, a demandé une autre experte, qui a notamment fait observer que la loi actuellement en vigueur dans le pays en matière d'héritage était discriminatoire à l'égard des femmes?  Elle s'est en outre enquise des droits et politiques existant en faveur des personnes handicapées.

Un expert a soulevé la question de l'applicabilité du Pacte en droit interne, s'inquiétant d'un manque d'information concernant la jurisprudence en matière d'application directe de cet instrument par les tribunaux.  Cet expert a lui aussi fait état d'informations laissant entendre qu'il y aurait des problèmes en matière d'indépendance du pouvoir judiciaire au Burundi.  Il s'est en outre inquiété des problèmes de violence à l'encontre des albinos, soulignant que ces problèmes sont liés à des croyances et préjugés qu'il convient de combattre par des campagnes éducatives.  Qu'en est-il plus globalement des mesures d'éducation aux droits de l'homme prises dans le pays?

Un autre membre du Comité a souligné que le manque de lois d'application du Pacte dont souffre le Burundi engendre des vides juridiques qui sont comblés par le droit coutumier.  En cas de contradiction entre la Constitution et le droit coutumier, quelle est la source de droit que les juges doivent appliquer, a-t-il demandé?  L'expert s'est par ailleurs inquiété des lois pénalisant les relations homosexuelles et a fait observer que l'homosexualité d'un élève était considérée comme une raison suffisante pour l'exclure de l'école.

L'impunité reste un sujet de préoccupation, les auteurs de violations de droits de l'homme ne semblant pas être poursuivis en justice, ni condamnés, a pour sa part souligné un membre du Comité.  Sur 39 cas d'exécutions extrajudiciaires enregistrés en une année, seules cinq condamnations ont été prononcées et sur 35 cas de torture et mauvais traitements enregistrés en 2014, seuls cinq ont fait l'objet d'enquêtes, a-t-il fait observer.

Un membre du Comité s'est enquis des effets des sanctions économiques qui avaient été imposées au Burundi pendant plusieurs années sur les droits économiques, sociaux et culturels et des éventuels dédommagements accordés au pays par la communauté internationale suite à ces effets.

Une experte a souhaité en savoir davantage au sujet de la protection des personnes travaillant dans le secteur informel et des intentions des autorités à cette fin.  Cette experte s'est en outre inquiétée d'informations laissant apparaître que les Batwa au Burundi seraient contraints au travail forcé.

Un autre membre du Comité s'est enquis du cadre de négociation collective au Burundi et de la situation globale de la liberté syndicale et des droits syndicaux dans ce pays.  Qu'en est-il des inspections du travail sur le terrain, a-t-il en outre été demandé?

Une experte a insisté pour en savoir davantage au sujet de l'implication de la société civile dans le processus de préparation du rapport présenté par le Burundi et des intentions des autorités en matière de suivi des observations finales que le Comité adoptera à son sujet.  Les autorités burundaises ont-elles pris connaissance de la déclaration du Comité concernant la question des entreprises et des droits de l'homme, a par ailleurs demandé cette experte, s'inquiétant du lien que les autorités du Burundi semblent établir entre les investissements et la promotion des droits économiques, sociaux et culturels.

Qu'en est-il des intentions du Gouvernement concernant les nombreuses exemptions fiscales au Burundi qui, selon la Banque mondiale, représentent 30% du PIB du pays et privent l'État burundais d'une grande source de revenu qui pourrait judicieusement être employée à des fins de promotion des droits économiques, sociaux et culturels, a demandé un autre membre du Comité?

Rappelant la servitude dont les Batwa ont traditionnellement été les victimes au Burundi, un membre du Comité s'est inquiété d'informations indiquant que, bien que cette servitude ait été abolie par décret en 1977, les Batwa les plus vulnérables, notamment faute d'avoir accès à la terre, ont tendance à se mettre au service de propriétaires terriens; 12% des Batwa se trouveraient dans cette situation.  L'expert a demandé comment le Gouvernement burundais abordait cette question et quelles les mesures il envisageait pour mettre définitivement fin à cette pratique.  Il a en outre attiré l'attention sur le défi auquel le Burundi est confronté s'agissant de la protection sociale, qui ne touche pour l'heure qu'une très faible proportion de la population.  La nécessité de remédier au problème de la ségrégation professionnelle dont sont victimes les femmes a également été soulignée.

Un autre expert s'est inquiété de la poursuite de la pratique des châtiments corporels contre les enfants, tant à la maison qu'à l'école, et s'est enquis des mesures prises pour combattre ce phénomène.  Persiste dans le pays une intense violence domestique contre les femmes, mais dans la plupart des cas, cette violence reste impunie, a en outre fait observer cet expert.  Il s'est ensuite inquiété du surpeuplement carcéral, qui atteint 210% et entraîne des conditions de vie très dures dans les prisons burundaises.  L'expert a souhaité connaître les mesures prises ou envisagées par les autorités pour réduire ce surpeuplement carcéral.

Un autre membre du Comité a relevé qu'en 2006, le taux de pauvreté était encore très élevé au Burundi, notamment parmi les populations vulnérables et en particulier chez les Batwa.  Qu'en est-il de la situation actuelle, a-t-il demandé ?

Un expert a souhaité en savoir davantage sur le travail des enfants au Burundi.  Cet expert s'est en effet inquiété d'informations laissant entendre que ce problème resterait important dans le pays, notamment dans le secteur minier.  Le code du travail interdit le travail des mineurs de moins de 16 ans; mais qu'en est-il des inspections menées afin de garantir le respect de cette disposition légale, a-t-il demandé?  Tout en relevant que la loi en vigueur fixe à 18 ans pour les filles et 21 ans pour les garçons l'âge minimum du mariage, ce même expert a par ailleurs soulevé la question des mariages précoces.

En ce qui concerne le droit à l'alimentation, le Burundi se trouve dans une situation extrêmement préoccupante, a fait observer un membre du Comité, rappelant que le pays se trouve en toute fin de classement de l'Indice de la faim dans le monde, avec environ 60% de sa population se trouvant en situation de sous-alimentation.  Au Burundi, le taux de séropositivité dans les zones rurales augmente, a d'autre part relevé cet expert, avant de s'enquérir des raisons de cette augmentation.

Un membre du Comité a souhaité en savoir davantage, eu égard au rôle important de la production du café dans la société burundaise, au sujet de la privatisation des filières du café au Burundi, qu'avait notamment encouragée la Banque mondiale dans des conditions qui avaient été contestées par la société civile burundaise.

Plusieurs experts ont soulevé la question de l'éducation des Batwa, s'inquiétant notamment de la capacité de ces derniers à s'acquitter des frais de scolarité obligatoires exigés par certaines écoles.  Un membre du Comité s'est enquis des raisons pour lesquelles un grand nombre d'écoliers abandonnent leur scolarité avant la fin du cycle primaire.  Un autre expert a fait part de son inquiétude face à la situation qui prévaut en matière d'éducation dans les zones rurales du Burundi; on sait que lorsque les filles n'ont pas accès à l'assainissement, elles ont tendance à abandonner l'école, ce qui pourrait expliquer certains taux d'abandon scolaire, a souligné cet expert.

Une experte a fait état d'informations selon lesquelles il existerait au Burundi une autre minorité que celle des Batwa, à savoir les Baganwa.  Les autorités reconnaissent-elles l'existence de cette minorité, a demandé l'experte?

Un expert a souhaité connaître le nombre d'inspecteurs du travail qui exercent aujourd'hui au Burundi, rappelant que ce nombre n'était que de 9 en 2000/2001.

Un autre expert s'est inquiété d'informations faisant état d'une «influence très très forte de l'exécutif» sur l'organe faisant office de conseil de la magistrature.

Réponses de la délégation

S'agissant de l'applicabilité du Pacte en droit interne, la délégation a rappelé que l'article 19 de la Constitution de 2005 reconnaissait le Pacte comme faisant partie intégrante de la Constitution.  La délégation a par ailleurs fait état d'un tribunal du commerce pour toutes les questions relatives aux activités professionnelles.

L'indépendance de la magistrature est une question qui préoccupe le Gouvernement et des états généraux ont été convoqués sur cette question dans la deuxième ville du pays, a ensuite indiqué la délégation.

La Commission nationale des droits de l'homme a été mise en place pour faire de ces droits une réalité dans le pays.  Les membres de cette Commission sont recrutés par des appels d'offres ouverts à tous et publiés dans la presse.  Les candidatures sont examinées par une commission ad hoc Parlement/Sénat, a précisé la délégation.

Ces dernières années, les investissements réalisés dans le pays l'ont été, à hauteur de 70%, par les Burundais eux-mêmes, a par ailleurs indiqué la délégation, précisant que les Burundais qui se trouvaient à l'extérieur du pays sont massivement venus y investir.

Quant à l'impact des événements récents sur les droits économiques, sociaux et culturels, la délégation a rappelé que c'est à partir du mois d'avril dernier que des manifestations ont touché le pays, principale dans la capitale, Bujumbura.  Durant plusieurs mois, magasins et écoles étaient fermés et les camions ne parvenaient pas à entrer dans la capitale pour assurer son approvisionnement.  Selon les estimations, le manque à gagner pour le fisc se chiffrait à 53 milliards au mois de juin dernier.  Les enfants ont passé jusqu'à deux mois sans aller à l'école, car les manifestations étaient violentes ou bloquaient les gens dans leurs quartiers, a insisté la délégation.  Ces événements ont considérablement ralenti l'activité des acteurs économiques, a-t-il souligné.  Au niveau de la santé, la situation n'est pas facile non plus, car les ambulances, par exemple, étaient bloquées.

L'argent collecté du fait de la lutte contre la corruption revient au Trésor public, a indiqué la délégation en réponse à la question d'un membre du Comité.

Le problème s'agissant des Batwa est un problème de vulnérabilité et non pas un problème de discrimination en tant que telle, a ensuite déclaré la délégation.  Par le passé, les Batwa ont été parmi les personnes les moins privilégiées; ils vivaient jadis de la poterie, mais avec les progrès technologiques, les activités qui leur procuraient des moyens de subsistance ont disparu, a expliqué la délégation.  Elle a ensuite rendu compte des mesures incitatives voire de discrimination positive prises par le Gouvernement en faveur des Batwa, citant notamment l'octroi de cartes d'assurance maladie (distribuées aux plus vulnérables, parmi lesquels les Batwa), sans omettre la fourniture par le Gouvernement de terres à cultiver puisque la poterie n'est plus pour les Batwa une activité rentable.

La grande majorité des affaires traitées en justice ont trait à des questions foncières, a poursuivi la délégation.  Elle a indiqué que pour ce qui est de l'égalité entre hommes et femmes en matière de droits d'héritage, ne subsistent des problèmes que dans les zones rurales; pour le foncier urbain, il n'y aucun problème, comme en témoigne la jurisprudence, a-t-elle insisté.

La délégation a par ailleurs indiqué que ce sont des croyances obscurantistes qui veulent qu'une partie du corps des albinos puissent procurer la richesse.  Ces pratiques consistant ainsi à prélever des organes sur des albinos sont en fait venues de pays voisins du Burundi, a ajouté la délégation.

Évoquant la question des salaires, la délégation a notamment souligné que la monnaie s'était beaucoup dépréciée ces dernières années.

D'un point de vue économique, d'une façon générale, les autorités misent sur l'intégration régionale en tant que solution permettant notamment la mobilité des travailleurs et le développement des échanges, a précisé la délégation.

Le droit syndical est reconnu par la Constitution et par le code du travail et les syndicats sont libres de s'organiser, a d'autre part indiqué la délégation.  Eu égard aux nombreuses possibilités de dialogue social, notamment au travers des comités d'entreprise au sein desquels les travailleurs sont représentés, la grève ne doit être qu'une mesure de dernier recours, a-t-elle ajouté.  Le tribunal du travail peut être saisi, en cas de différend, par un travailleur qui s'estime lésé, a en outre fait valoir la délégation.

La première mission de l'inspection du travail est d'effectuer des visites dans les entreprises, a rappelé la délégation.  De telles inspections ont lieu à Bujumbura, mais dans les zones les plus reculées du pays, les moyens manquent, en particulier en matière de moyens de transport, a précisé la délégation.

Le Burundi ne dispose pas de loi spécifique sur les personnes handicapées, mais il s'agit d'une question transversale qui est prise en compte dans tous les programmes et politiques du pays, a indiqué la délégation.  

Répondant à une question sur la situation des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, la délégation a déclaré que «pratiquement, ce n'est pas un fait de société» au Burundi; «aucune personne n'a été arrêtée ou emprisonnée pour ce genre de cas», a-t-elle ajouté.  La délégation a indiqué ne pas avoir connaissance d'un cas de quelqu'un qui aurait été contraint d'abandonner l'école en raison de son orientation sexuelle.  C'est une question culturelle et c'est du temps qu'il faut face à ces questions qui relèvent d'une évolution des mentalités, a poursuivi la délégation.  Pour l'heure, c'est une question de gestion de la société, a-t-elle affirmé.  Dans une société qui compte beaucoup d'analphabètes, il y a des questions qu'il faut savoir gérer pour tenir compte des sensibilités, a déclaré la délégation.

La délégation a indiqué que les sanctions économiques qui avaient été imposées au pays ont été contreproductives et le pays ressent, aujourd'hui encore, les conséquences, tant économiques que sociales, de ces sanctions qui avaient pris la forme d'un embargo total.  La délégation a indiqué qu'elle souhaitait profiter de cette occasion pour souligner que ce n'est pas le moment aujourd'hui de prendre des sanctions économiques à l'encontre du pays.

Le droit à la sécurité sociale est assuré au Burundi conformément à la convention n°102 de l'OIT (concernant la sécurité sociale), a ensuite indiqué la délégation.  Dès l'indépendance du pays, ont commencé à être mis en place des régimes visant à asseoir une sécurité sociale, en commençant, comme dans tous les pays, par le secteur structuré, c'est-à-dire le secteur formel (officiel).  Plus tard, en 1980, a été mise en place la mutuelle de la fonction publique, qui gère les risques de maladie pour tous les fonctionnaires et assimilés (forces de défense et autres travailleurs sous contrat), a poursuivi la délégation.  Plus récemment, en 2010/2011, a été mis en place l'Office national des pensions et risques professionnels pour les fonctionnaires et agents judiciaires, a-t-elle ajouté.  Une mutuelle du secteur privé, gérant l'assurance maladie pour les travailleurs du privé, a été mise en place l'an dernier, a en outre fait valoir la délégation, ajoutant que des mesures ont été prises en 2006 afin de garantir la gratuité des soins de santé pour les enfants de moins de cinq ans et pour les femmes qui accouchent.  Pour les indigents, des mesures ont également été prises afin d'assurer les soins médicaux à ces personnes.  Une carte d'assistance maladie est fournie aux travailleurs du secteur informel et rural; elle coûte environ deux dollars et leur assure un accès aux soins de santé, a indiqué la délégation.  Il existe aussi des mutuelles de santé communautaire, qui ont été mises en place avec le soutien du mouvement mutualiste belge et qui couvrent une bonne partie de la population au niveau informel.  D'une manière générale, le défi auquel reste confronté le Burundi est celui de la faible couverture globale de la protection sociale de l'ensemble de ces mutuelles, puisque pour le secteur officiel, le taux de couverture n'atteint pas 20%, a précisé la délégation.  C'est pourquoi le Gouvernement burundais a mis en place une politique nationale de protection sociale afin d'étendre progressivement cette protection sociale à toute la population, a-t-il indiqué.

La délégation a par ailleurs exposé en détails la Politique nationale Genre 2012-2015 mise en œuvre au Burundi.

La délégation a ensuite indiqué qu'un nouveau projet de loi sur la violence fondée sur le genre se trouve actuellement sur la table du Parlement.  Après avoir évoqué la tradition qui veut qu'une femme qui se marie rejoigne d'abord le lit du père de son mari avant de rejoindre celui de son mari, la délégation a précisé que tous ces cas de violence fondée sur le genre qui sont liés à la tradition allaient être réprimés par la nouvelle loi.

Les châtiments corporels sont formellement interdits à l'école, a souligné la délégation; à la maison, il faut reconnaître qu'ils restent une pratique, mais les autorités burundaises s'efforcent de sensibiliser les parents à ce sujet, a-t-elle ajouté.

En ce qui concerne le problème de la ségrégation professionnelle, la délégation a reconnu que les femmes ne sont pas très bien représentées dans certains secteurs, notamment les secteurs techniques et de l'ingénierie.

Le problème de l'accès à la terre est un problème fondamental pour un petit pays comme le Burundi où des familles comptant parfois plus de dix enfants se retrouvent avec moins de 0,5 hectare de terres.  Le taux de croissance démographique, qui atteint plus de 3% pour un taux de croissance économique de 4%, contrarie tous les efforts de développement que mène le Gouvernement, a expliqué la délégation.  Au Burundi, plus de 90% de la population ne vit que de la terre.  Le Burundi reconnaît la propriété privée, laquelle peut être vendue avec l'accord des membres de la famille.  La croissance démographique exerce une grande pression sur l'accès à la terre, a-t-elle de nouveau souligné.  

Le taux de pauvreté au Burundi se situe encore aux alentours de 65% et cela reste lié, ici encore, au taux de croissance démographique, a d'autre part indiqué la délégation.

Le droit à l'alimentation est un droit fondamental auquel le Burundi est très attaché, a poursuivi la délégation.  Elle a rappelé que de nombreux Burundais qui se trouvaient dans les pays voisins (Tanzanie, République démocratique du Congo, Ouganda) ont été rapatriés et que les nourrir est devenu un défi, surtout pour des familles qui étaient déjà pauvres au Burundi.  Il a donc fallu réfléchir à la meilleure façon d'exploiter rationnellement les petites exploitations familiales, a expliqué la délégation, avant de faire valoir la mise en place d'un fonds commun pour l'acquisition d'engrais subventionnés par le Gouvernement.

Interpellée sur la question du travail des enfants, la délégation a indiqué manquer de statistiques à ce sujet et a sollicité une assistance pour la collecte globale de données dans le pays.  Le secteur des mines a été récemment restructuré alors qu'il faisait jusqu'ici l'objet d'une exploitation anarchique, a ensuite fait valoir la délégation, précisant que le nouveau code minier oblige à organiser les choses et assurant que le travail des enfants est formellement interdit.

Pour ce qui est de la surpopulation carcérale, la délégation a reconnu que les centres de détention datent de la période coloniale, même si quelques-uns ont été construits depuis.  Ils avaient été construits pour une petite population carcérale, puisque le pays comptait alors deux millions d'habitants, contre dix millions aujourd'hui.  La délégation a ensuite fait état de projets de construction de nouveaux centres de détention respectant les normes internationales.

Au Burundi, l'avortement est interdit par le code pénal; mais si la vie de la mère est en danger, l'avortement peut être autorisé en milieu hospitalier, a d'autre part indiqué la délégation.

La délégation a par ailleurs fait observer que la prévalence du VIH/sida diminue dans les zones urbaines mais augmente dans les zones rurales.  Faire face à cette maladie, y compris par la mise à disposition d'antirétroviraux, coûte extrêmement cher à l'État, a-t-elle souligné.  La Constitution burundaise interdit toute forme de discrimination, y compris à l'égard des personnes porteuses du VIH/sida.

S'agissant des exonérations fiscales, la délégation a reconnu qu'en 2013, elles avaient été supérieures à ce qui avait été convenu avec les institutions de Bretton Woods.  Les autorités burundaises envisagent donc maintenant de voir comment appliquer une règle selon laquelle toute entreprise qui se présentera désormais au Burundi pour y investir ne saurait bénéficier d'exonérations si elle envisage d'intervenir dans un secteur déjà saturé pour lequel les produits sont déjà disponibles dans le pays.

Les taux de scolarisation se sont améliorés au Burundi, mais les abandons scolaires persistent qui sont généralement liés à la pauvreté et touchent davantage les filles que les garçons – eu égard aux perceptions selon lesquelles la présence des premières est requise à des fins de travaux domestiques au bénéfice de l'ensemble de la famille, a indiqué la délégation.  Les autorités burundaises s'appuient notamment sur la promotion des cantines scolaires pour pérenniser la scolarisation des enfants issus de familles pauvres, a-t-elle ajouté.

Exiger des parents le versement de frais de scolarité est formellement interdit, a d'autre part souligné la délégation, assurant que les autorités n'hésiteraient pas à intervenir contre les écoles qui braveraient cette interdiction.

Quant à l'accès des Batwa à l'enseignement, la délégation a tenu à rappeler le Burundi est un pays qui du nord au sud et de l'est à l'ouest parle la même langue: le kirundi.  La culture du pays est donc assez homogène, même s'il existe quelques spécificités propres à tel ou tel groupe de population.  L'accès des Batwa à l'éducation est en fait appréhendé par les autorités dans le cadre général du soutien aux plus vulnérables, a expliqué la délégation.

Les Batwa font partie intégrante de la communauté nationale qui comporte trois ethnies: Hutus, Tutsis et Batwa, a déclaré la délégation.  Leur intégration commence à être réelle, mais il faut beaucoup d'efforts pour y parvenir et le problème réside essentiellement dans le manque de moyens.  La servitude qui consistait à aller faire des travaux pour un patron en échange de nourriture ou de l'exploitation d'une portion de terre a été abolie au Burundi en 1977, a en outre fait valoir la délégation.  

En réponse à la question d'un expert, la délégation a assuré que la société burundaise reconnaissait les Baganwa, précisant qu'il s'agissait en fait d'une dynastie.  Jusqu'en 1965, le Burundi était une monarchie dirigée par un roi et les princes faisaient partie de la «catégorie des Baganwa», a-t-elle précisé.  Avec l'instauration de la République, les Bangawa ont été assimilés aux Batutsis, a expliqué la délégation.  Ils ne sont pas reconnus par la Constitution comme une minorité mais il ne s'agit pas d'une catégorie défavorisée.

La délégation a reconnu la vulnérabilité particulière des albinos, rappelant que dans les mentalités, compter un albinos dans la famille a longtemps relevé d'une malédiction.  Mais les mentalités ont maintenant commencé à évoluer et, quoi qu'il en soit, les albinos bénéficient des garanties associées à toute personne humaine, même s'il est vrai que beaucoup reste à faire.   

En ce qui concerne les personnes déplacées dans le pays, la délégation a évalué leur nombre à 78 000 personnes.  Elle a indiqué que les autorités, grâce à la création de villages ruraux intégrés, encouragent ces personnes à rejoindre et intégrer des villages proches de leur lieu d'origine.  Mais on constate que les personnes déplacées vont en fait cultiver des terres dans les villages proches avant de revenir en fin de journée dans les camps, a indiqué la délégation.

En réponse aux interrogations suscitées par la privatisation des filières du café, la délégation a fait observer que le problème qui se pose pour le Burundi est davantage celui de la stabilité des prix que celui de l'acquisition des moyens de production.  Il convient pour le pays de parvenir à conjuguer agriculture vivrière et agriculture de rente liée au café, a ajouté la délégation.  

Conclusion du rapporteur

M. DE SCHUTTER a vivement remercié la délégation de haut niveau qui a présenté la mise en œuvre du Pacte au Burundi.  Il a salué la qualité de l'information qui a été fournie aux membres du Comité et l'attitude très constructive de la délégation, qui n'a pas été évasive et n'a pas cherché à contourner les questions difficiles qui lui étaient posées.  Le Burundi se trouve encore dans un état de développement qui constitue pour lui un véritable défi pour ce qui est de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, a souligné le rapporteur.

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