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Source: Mercy Ships |

Apprendre à quelqu'un à pêcher : la fausse opposition entre l'aide d'urgence et le développement (Par le Professeur Mark Shrime)

Plus des deux tiers de la population mondiale n'a pas accès à des soins chirurgicaux fiables, abordables

L'ensemble de l'écosystème chirurgical, et les personnes qui y travaillent, doivent se trouver à proximité du lieu de vie des patients, sinon c’est comme s’il n’existait

DAKAR, Sénégal, 3 novembre 2022/APO Group/ --

Par le Professeur Mark Shrime, Médecin-chef International de Mercy Ships (www.MercyShips.Africa)

Tout le monde connait ce proverbe chinois : « Donnez un poisson à un homme, vous le nourrissez pour un jour ; apprenez à un homme à pêcher, vous le nourrissez pour la vie »

Pour ma part, je n’y adhère pas ; il crée un faux choix. Pourquoi ne pas faire les deux ? Après tout, il est plus facile d'apprendre quand on n'a pas faim.

En matière de santé mondiale, il nous arrive souvent de construire des images éronnées, en opposant l'aide d'urgence au développement, et en supposant ainsi que seul l'un d'entre eux devrait exister, le développement le plus souvent, et pour de nombreuses raisons valables. C'est une vision réductrice de la santé mondiale, qui peut laisser les patients au bord du chemin. Oui, les systèmes doivent se développer, mais pendant ce temps, qu'advient-il de nos patients ?

Une personne meurt toutes les deux secondes d'une maladie pouvant être traitée chirurgicalement. Plus des deux tiers de la population mondiale n'a pas accès à des soins chirurgicaux fiables, abordables et prodigués à temps, et près de la moitié de la population mondiale serait ruinée si elle avait devait prendre en charge elle-même ses soins chirurgicaux aujourd'hui. Le renforcement des systèmes chirurgicaux est un problème complexe dont les effets sur la santé et l'économie sont considérables : on estime, par exemple, que le manque d'accès aux soins chirurgicaux entraîne une baisse du produit intérieur brut des pays à revenu faible ou moyen pouvant atteindre 2 %.

Aborder ce sujet complexe avec une approche bienveillante – même si un peu étroite – peut être tentant. Par exemple en construisant de nouvelles infrastructures ou en formant de nouveaux prestataires. Mais les solutions simples ne répondent pas aux problèmes complexes. Le regretté Dr Paul Farmer avait coutume de dire qu'un véritable accès aux soins nécessite quatre éléments : l'espace, le matériel, le personnel et les systèmes, tous liés entre eux.

Les nouveaux appareils d'anesthésie, par exemple, sont inutiles sans des personnes qui savent les manier, sans une salle d'opération dans laquelle ils peuvent être opérationnels et sans un système de santé publique qui reconnaît la nécessité de la chirurgie. Sans ces quatre éléments, l'amélioration des systèmes chirurgicaux avec une précision chirurgicale est vouée à l'échec.

Et puis, pour rendre les choses encore plus complexes, toute cette interconnexion doit également être proche du patient. Les soins chirurgicaux ne sont pas comme un vaccin Covid-19 par exemple. Cette pandémie nous l'a appris : la recherche, le développement et la production du vaccin peuvent être centralisés. Autrement dit, une fois le vaccin créé, approuvé et fabriqué dans de grandes usines, le système de santé n'a plus qu'un problème logistique à résoudre : maintenir les chaînes du froid et renforcer les réseaux de distribution.

Ce n'est pas le cas en chirurgie. L'ensemble des moyens de production - le personnel, l'espace, le matériel et le système, les personnes, l'électricité, l'aspiration, l'eau, l'infrastructure, la formation, l'oxygène - doit être centralisé autour du patient. La chirurgie ne peut pas être emballée dans une pilule, ne peut pas être mise en boîte à l'arrière de camions réfrigérés. L'ensemble de l'écosystème chirurgical, et les personnes qui y travaillent, doivent se trouver à proximité du lieu de vie des patients, sinon c’est comme s’il n’existait pas pour eux.

C'est ce qui rend le renforcement du système chirurgical si fascinant - et parfois frustrant – à mes yeux. C'est complexe, c'est passionnant, et c'est pourquoi j'aime travailler dans ce domaine. La transformation est lente. Elle se méfie des investissements à court terme. Elle nécessite l’établissement de partenariats. Ceux qui travaillent dans l'univers des ONG en particulier savent qu'il faut venir aux côtés du système de santé d'un pays pour l'accompagner sur son propre chemin. En d'autres termes, il ne s'agit pas seulement d’« apprendre à un homme à pêcher », mais de pêcher ensemble, dans la même rivière.

Cela signifie aussi soulager, cela signifie résister aux faux choix, cela signifie à la fois travailler aux côtés des systèmes de santé pour contribuer à leur développement et aider à assumer la charge chirurgicale pendant que nous sommes sur le terrain en mission.

Cela signifie pêcher, tout en apprenant à pêcher.

Distribué par APO Group pour Mercy Ships.

À propos de Mark Shrim :
Le professeur Mark G. Shrime, MD, MPH, PhD, FACS, est le médecin-chef international de Mercy Ships et chargé de cours en santé mondiale et en médecine sociale à la Harvard Medical School.

Il a été auparavant titulaire de la chaire O'Brien de chirurgie globale au Royal College of Surgeons en Irlande, fondateur et directeur du Center for Global Surgery Evaluation au Massachusetts Eye and Ear Infirmary, et directeur de recherche pour le Program in Global Surgery and Social Change à Harvard.

Il est l'auteur d'articles fondamentaux sur la charge mondiale des maladies chirurgicales, la charge financière à laquelle sont confrontés les patients chirurgicaux et le nombre de personnes qui ne peuvent pas accéder à une chirurgie sûre dans le monde. Il a été co-auteur de la commission Lancet sur la chirurgie mondiale.

Le Dr Shrime a obtenu une licence en biologie moléculaire (summa cum laude) à l'université de Princeton en 1996. Il a obtenu son doctorat en médecine à l'université du Texas en 2001, après avoir pris une année pour enseigner la chimie organique à Singapour. La faculté de médecine a été suivie d'un internat en oto-rhino-laryngologie dans le cadre du programme conjoint Columbia/Cornell à Manhattan, puis d'une spécialisation en oncologie chirurgicale de la tête et du cou à l'université de Toronto en 2007. Il a effectué un deuxième stage en chirurgie reconstructive microvasculaire, également à l'Université de Toronto, en 2008. Il a été le premier à identifier un nouvel indicateur pronostique indépendant dans le cancer de la tête et du cou.

À ce jour, il a travaillé et enseigné au Liberia, en Sierra Leone, en Guinée, au Bénin, au Togo, au Congo, en Haïti, en Arabie saoudite, au Cameroun et à Madagascar. En mai 2011, il a obtenu un MPH en santé mondiale à l'école de santé publique de Harvard, où il était finaliste à la fois pour le prix Albert Schweitzer et pour le prix de l'innovation.

 En mai 2015, il a obtenu son doctorat en politique de la santé de l'Université de Harvard, avec une concentration en science de la décision.

Ses recherches ont été soutenues par les National Institutes of Health, la Fondation Iris O'Brien, la Damon Runyon Cancer Foundation, un don anonyme au Center for Global Surgery Evaluation, le projet Safe Surgery 2020 de la Fondation GE et la Fondation Steven C. et Carmella Kletjian.

Ses travaux universitaires portent sur la prise de décision des patients et la prestation de services chirurgicaux dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où il s'intéresse particulièrement à l'intersection entre la santé, l'appauvrissement, l'inégalité et le développement mondial. Son travail vise à déterminer les politiques et les

 politiques et plateformes de prestation chirurgicale qui maximisent les avantages pour la santé tout en minimisant simultanément le risque de catastrophe financière auquel sont confrontés les patients. En 2018, il a reçu le prix

Arnold P. Gold Humanism in Medicine Award par l'American Academy of Otolaryngology-Head and Neck Surgery.

Lorsqu'il ne travaille pas, il est photographe, conférencier et grimpeur. Il a participé aux saisons 8, 9 et 11 de l'émission American Ninja Warrior.