Source: United Nations Office at Geneva (UNOG) |

Le Comité Auditionne La Société Civile sur La Mise En Œuvre Du Pacte en Bulgarie, Au Cameroun et En Estonie

La Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté a regretté que les tribunaux traditionnels camerounais continuent de prendre des décisions discriminatoires à l’encontre des femmes

La Ligue a aussi recommandé que le Cameroun adopte une loi de prévention de toutes les formes de violence à l’égard des femmes

GENEVA, Suisse, 18 février 2019/APO Group/ --

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a entendu cet après-midi des représentants de la société civile sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans les trois pays dont les rapports seront examinés cette semaine: l’Estonie, le Cameroun et la Bulgarie.

S'agissant de la Bulgarie, l’attention a été attirée sur les difficultés que rencontrent les Roms dans les domaines du logement, de la santé et de l’éducation.  Ont également été évoquées la situation des personnes handicapées placées en institutions et celle des patients atteints de démence sénile et de la maladie d’Alzheimer.

Concernant le Cameroun, des ONG se sont inquiétées de la persistance de décisions discriminatoires à l’encontre des femmes prises par les tribunaux traditionnels.  Ont aussi été évoquées les questions de l’accès à l’aide humanitaire pour les personnes déplacées dans le pays et de l’accès à Internet dans les régions anglophones du pays. 

Pour ce qui est de l’Estonie, l’attention s’est concentrée sur la situation des femmes toxicomanes et l’inadéquation des services à leur intention, en particulier lorsqu’elles ont des enfants. 

Demain après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l’Estonie (E/C.12/EST/3).

Audition d'organisations de la société civile

S’agissant du Cameroun

La Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté a regretté que les tribunaux traditionnels camerounais continuent de prendre des décisions discriminatoires à l’encontre des femmes.  Le droit écrit doit primer sur le droit coutumier lorsque ce dernier est discriminatoire, a insisté la Ligue.  Elle a par ailleurs demandé au Cameroun de sensibiliser le public afin de réduire les tensions intercommunautaires et de sanctionner les discours de haine.  La Ligue a aussi recommandé que le Cameroun adopte une loi de prévention de toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris le viol conjugal, et qu’il prenne des mesures pour renforcer la participation des femmes à la vie publique et politique. 

Les femmes et les enfants sont particulièrement affectés par les conflits actuels dans l’extrême nord, dans le nord-ouest et dans le sud-ouest du pays, a poursuivi la Ligue.  Elle a demandé au Cameroun de faciliter l’accès à l’aide humanitaire pour les personnes déplacées dans le pays et toutes les personnes qui ont besoin d’une aide d’urgence.  La Ligue a ajouté que la création du Comité national de désarmement des ex-combattants du groupe Boko Haram devait s’accompagner d’un dialogue national inclusif.  Elle a fait d’autres recommandations visant l’effectivité de la gratuité de l’enseignement, la lutte contre les discriminations sexistes au travail, ou encore l’enregistrement des naissances. 

Par vidéoconférence, l’organisation Internet sans frontières a regretté, pour sa part, que le Gouvernement camerounais ait bafoué les droits des minorités en bloquant l’accès à Internet uniquement dans les régions anglophones du pays.  Elle a fait état de très longues interruptions d’Internet, totales ou partielles, pendant 270 jours entre janvier 2017 et avril 2018. 

L’ONG a insisté sur le vecteur important que constitue Internet pour la réalisation des droits couverts par le Pacte.  Elle a cité, en particulier, le rôle joué par Internet dans la jouissance des droits à la santé, à l’éducation et au travail, ainsi que des droits culturels, pour les populations vivant dans les régions anglophones.  Elle a par conséquent appelé l’État camerounais à garantir un accès correct à Internet au profit de toutes les personnes placées sous sa juridiction.

Au cours du débat qui a suivi, un expert du Comité s’est étonné que la Ligue n’ait pas mentionné les discriminations dont sont victimes certaines minorités linguistiques au Cameroun.  Une experte a demandé si le principe de salaire égal pour un travail égal était inscrit dans la loi.  Un expert a demandé à la Ligue si elle pouvait faire des recommandations plus précises concernant la manière de réduire les tensions interculturelles et linguistiques au Cameroun.

Une experte a relevé que 65% de la population du Cameroun ne disposaient pas d’accès à Internet.

Répondant aux experts, les ONG ont expliqué que la loi de décentralisation votée en 1996 n’a pas été appliquée de manière effective, ajoutant qu’il s’agissait là de la raison de la crise violente actuelle.  Tout étant décidé par le pouvoir central, certaines communautés se sentent lésées, a-t-il été souligné.  En outre, le Cameroun est confronté aux problèmes de la mauvaise gouvernance et du tribalisme, y compris lorsque ce dernier est exploité par le pouvoir.  Autre facteur d’exacerbation de tensions communautaires, un grand nombre de personnes admises aux concours de la fonction publique appartiennent aux milieux proches du pouvoir, a-t-il été dit. 

La répugnance de certaines populations à inscrire les filles à l’école a également été soulignée: toutefois, la loi permet à chaque citoyen d’accéder à l’éducation et il n’existe pas d’obstacle juridique à cet égard, a-t-il été rappelé.

Une ONG a confirmé que la situation au regard de l’enregistrement des naissances était alarmante; aussi, a-t-elle a recommandé d’organiser un recensement national afin de pouvoir octroyer des actes de naissance aux personnes qui en sont toujours dépourvues.  L’ONG a aussi estimé que les femmes devraient s’investir davantage dans les processus de paix au Cameroun.  Elle a en outre précisé que le mariage monogame était considéré comme l’exception au Cameroun.

S’agissant d’Internet, il a été expliqué, d’une part, que l’accès est limité car très cher étant donné le manque d’infrastructures et, d’autre part, que les formations à l’utilisation d’Internet sont insuffisantes.  Ces problèmes touchent plus durement les femmes, le fossé entre les sexes en matière d’accès à Internet restant important, a-t-il été souligné.

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