Source: United Nations Office at Geneva (UNOG) |

Le comité pour l’élimination de la discrimination raciale examine le rapport de Djibouti

Présentant ce rapport, M. Maki Omar Abdoulkader, Secrétaire général du Ministère de la justice, chargé des droits de l’homme, a réitéré l’engagement qu’avait pris Djibouti en ratifiant la Convention en 2011 de lutter contre les discriminations

GENEVA, Suisse, 11 août 2017/APO/ --

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport initial présenté par Djibouti sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
 

Présentant ce rapport, M. Maki Omar Abdoulkader, Secrétaire général du Ministère de la justice, chargé des droits de l’homme, a réitéré l’engagement qu’avait pris Djibouti en ratifiant la Convention en 2011 de lutter contre les discriminations.  Il a expliqué que le retard accusé par la présentation de ce rapport, qui était attendu pour 2012, était dû à la charge de travail induite par l’adhésion récente de Djibouti à plusieurs instruments de protection des droits de l’homme. Ce retard ne signifie aucunement que Djibouti n’assure pas la protection des personnes contre les discriminations, a poursuivi M. Abdoulkader ; le pays s’est en effet doté, depuis son indépendance en 1977, d’un arsenal législatif robuste en la matière, a-t-il souligné. En 1992, la Constitution a réaffirmé dans son article premier l’obligation pour l’État d’assurer l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction fondée sur l’origine, la race, la langue ou la religion, a-t-il rappelé. À Djibouti, la discrimination est par ailleurs érigée en infraction pénale, a-t-il ajouté. Des mesures de protection spécifiques ont été mises en place pour protéger les personnes les plus vulnérables telles que les femmes, les enfants, les personnes handicapées ou encore les migrants, a précisé le Secrétaire général du Ministère de la justice.
 
Le pays a par ailleurs renforcé son arsenal institutionnel en matière de protection des droits de l’homme, a ajouté M. Aboudlkader. Djibouti s’est par ailleurs doté d’un système de justice mobile afin d’atteindre les populations rurales, a-t-il fait valoir; cette justice mobile a en outre également largement bénéficié aux nombreux réfugiés somaliens, éthiopiens ou yéménites arrivés au nord et au sud du pays.
 
La délégation djiboutienne était également composée, entre autres, de Mme Kadra Ahmed Hassan, Représentante permanente de Djibouti auprès des Nations Unies à Genève; de Mme Souad Houssein Farah, conseillère juridique du Président de la République; ainsi que de représentants de la Mission permanente du pays à Genève.
 
La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de la société civile; de la place de la Convention dans la hiérarchie des normes; de l’organisation du système judiciaire et de l’accès à la justice; des détenus ; du Code de la famille ; des réfugiés et demandeurs d’asile ; de la traite des êtres humains ; des questions de nationalité ; de la Commission nationale des droits de l’homme et du Médiateur de la République ; de l’accès aux services sociaux ; ou encore de l’absence de données ventilées.
 
Mme Fatimata-Binta Victoire Dah, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de Djibouti, a notamment déploré que le document de base et le rapport semblent éviter de livrer le détail de la composition ethnique du pays.  Elle a ensuite attiré l’attention de l’État partie sur la nécessité de mettre en œuvre des mesures administratives et législatives destinées à favoriser la réconciliation entre Afars et Issas, qui ont longtemps été en conflit dans le pays.  Elle s’est inquiétée d’informations faisant état de viols systématiques de femmes afars dans des casernes du nord et du sud-ouest du pays.  Mme Dah a en outre insisté sur la nécessité pour l’État partie d’intégrer dans son Code pénal deux articles indépendants pénalisant les actes de discrimination et les discours haineux. La rapporteuse s’est ensuite félicitée des efforts entrepris par Djibouti pour se doter d’institutions modernes, parmi lesquelles une Cour des comptes et un Médiateur.  Elle s’est toutefois inquiétée des pesanteurs sociologiques encore fortes dans les régions reculées du pays, qui dissuadent parfois les victimes, notamment les victimes de mutilations génitales féminines, d’avoir recours à la justice.
 
Rappelant que Djibouti constituait un pays d’arrivée pour de nombreux réfugiés fuyant notamment les conflits dans les pays voisins, Mme Dah s’est inquiétée du poids de ces arrivées sur les capacités d’accueil du pays.  Elle s’est par ailleurs inquiétée de la lenteur des procédures de traitement des dossiers des requérants d’asile. La rapporteuse s’est également inquiétée du fait que le port d’Obock se soit transformé en une plaque tournante de la traite des êtres humains, notamment à travers la mer Rouge.
 
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de Djibouti et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 26 août.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité procèdera à l'examen du rapport périodique du Tadjikistan.
 
Présentation du rapport de Djibouti
 
Le Comité est saisi du rapport de Djibouti, ainsi que des réponses du pays à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité. Le Comité est également saisi du document de base de Djibouti contenant des renseignements généraux et factuels relatifs à l'application des instruments auxquels cet État est partie, à l'intention des organes conventionnels concernés.
 
Après avoir présenté les membres de la délégation djiboutienne, M. MAKI OMAR ABDOULKADER, Secrétaire général du Ministère de la justice, chargé des droits de l’homme, de Djibouti, a réitéré l’engagement qu’avait pris Djibouti en ratifiant la Convention en 2011 de lutter contre les discriminations. Il a expliqué que le retard accusé par la présentation de ce rapport, qui était attendu pour 2012, était dû à la charge de travail induite par l’adhésion récente de Djibouti à plusieurs instruments de protection des droits de l’homme. Parmi ces instruments, figurent notamment la Convention relative aux droits de l’enfant, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention contre la torture et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, a-t-il précisé. Toutes les conventions ratifiées ont fait l’objet de la présentation d’au moins un rapport, a-t-il insisté, avant de rappeler que Djibouti s’était également soumis à deux reprises à l’Examen périodique universel (EPU), en 2009 et 2013.
 
Le retard dans la soumission du rapport ne signifie aucunement que Djibouti n’assure pas la protection des personnes contre les discriminations, a poursuivi M. Abdoulkader. Le pays s’est en effet doté, depuis son indépendance en 1977, d’un arsenal législatif robuste en la matière, a-t-il souligné.  En 1992, la Constitution a réaffirmé dans son article premier l’obligation pour l’État d’assurer l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction fondée sur l’origine, la race, la langue ou la religion, a-t-il rappelé.  À Djibouti, la discrimination est par ailleurs érigée en infraction pénale, a-t-il ajouté.  Des mesures de protection spécifiques ont été mises en place pour protéger les personnes les plus vulnérables telles que les femmes, les enfants, les personnes handicapées ou encore les migrants, a précisé le Secrétaire général du Ministère de la justice.
 
Le pays a par ailleurs renforcé son arsenal institutionnel en matière de protection des droits de l’homme, a indiqué M. Aboudlkader, soulignant que le Ministère de la Justice porte désormais une attention particulière aux droits de l’homme. Djibouti s’est par ailleurs doté d’un système de justice mobile afin d’atteindre les populations rurales, a-t-il fait valoir; cette justice mobile a en outre également largement bénéficié aux nombreux réfugiés somaliens, éthiopiens ou yéménites arrivés au nord et au sud du pays. Un service d’accueil et d’orientation a également été mis en place au sein de chaque juridiction afin de promouvoir et protéger les droits de l’homme, a indiqué M. Abdoulkader. Enfin, la Commission nationale des droits de l’homme a été réformée en 2014 afin de mieux protéger les citoyens contre toutes les formes de discrimination et d’être mise en conformité avec les Principes de Paris; son budget a alors été augmenté de 43%.  En conclusion, M. Abdoulkader a réitéré la volonté de la délégation djiboutienne de mener un dialogue franc avec le Comité.
 
Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité
 
MME FATIMATA–BINTA VICTOIRE DAH, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de Djibouti, a regretté que ce rapport initial de Djibouti attendu en 2012 n’ait été soumis qu’en 2016.  Prenant note du fait que l’État partie avait affirmé avoir élaboré le rapport de manière inclusive, elle a demandé des détails sur les acteurs de la société civile ayant participé à sa rédaction. Elle a regretté que ce dernier, d’une vingtaine de pages, ne fournisse pas l’ensemble des informations attendues. D’autres sources ont dû être consultées pour compléter les renseignements présentés, a-t-elle souligné.
 
La rapporteuse a ensuite déploré que le document de base, tout comme le rapport, semble éviter de livrer le détail de la composition ethnique du pays.  Aucun pourcentage, ni aucune localisation géographique précise n’accompagnent la référence vague faite à la présence de trois ethnies sur le territoire du pays. Le rapport fait en outre mention d’étrangers présents sur le territoire depuis la colonisation française. Aussi, Mme Dah a-t-elle demandé des détails sur le nombre de ces étrangers et leur poids économique ainsi que sur la situation des migrants provenant de pays voisins.
 
La rapporteuse a ensuite rappelé que le français et l’arabe sont les deux langues officielles de Djibouti, le pays reconnaissant également deux langues nationales: le somalien et l’afar.  Elle a demandé des données concernant la pratique de ces langues. Comment sont-elles enseignées? Comment sont-elles utilisées par l’administration et le système judiciaire?
 
Mme Dah a par ailleurs regretté l’absence de détails concernant la répartition des sièges à l’Assemblée nationale – laquelle, selon le rapport, prend en compte les différentes composantes communautaires et régionales du pays.  Notant que le rapport indique la présence de 161 132 nomades répartis dans les cinq régions du pays, la rapporteuse a en outre demandé si ceux-ci comprenaient des personnes issues des populations autochtones du pays et des nationaux de pays voisins.  Rappelant que 90% de la population de Djibouti est musulmane, Mme Dah a demandé des détails sur les personnes composant les 10% restants.  Elle s’est particulièrement interrogée sur l’impact de l’application du Code de la famille et de la loi relative au mariage sur ces 10% de personnes non musulmanes.
 
Mme Dah a ensuite attiré l’attention de l’État partie sur la nécessité de mettre en oeuvre des mesures administratives et législatives destinées à favoriser la réconciliation entre Afars et Issas qui ont longtemps été en conflit dans le pays.  Elle s’est enquise des modalités d’enseignement de l’histoire de ce conflit et de la période post-conflit.
 
La rapporteuse a par ailleurs voulu savoir si la Convention avait déjà été mentionnée dans la jurisprudence de la justice djiboutienne.  Elle a en outre insisté sur la nécessité pour l’État partie d’intégrer dans son Code pénal deux articles indépendants pénalisant les actes de discrimination et les discours haineux.
 
Rappelant que la Commission électorale nationale indépendante organise les élections depuis sa création, Mme Dah a souhaité savoir si, parmi les plaintes pour irrégularité électorale, cette Commission avait reçu des plaintes faisant état de discrimination raciale en la matière?
 
La rapporteuse s’est d’autre part enquise de la composition, des ressources et du rôle de la Commission nationale des droits de l’homme. Elle s’est félicitée des efforts entrepris par Djibouti pour se doter d’institutions modernes, parmi lesquelles une Cour des comptes et un Médiateur.  Elle a salué le recrutement massif de personnels judiciaires, dont de nombreux magistrats, ces dix dernières années ainsi que le développement d’un système de justice pour mineurs et la réforme aboutie de l’aide juridictionnelle. Elle s’est toutefois inquiétée des pesanteurs sociologiques encore fortes dans les régions reculées du pays, qui dissuadent parfois les victimes, notamment les victimes de mutilations génitales féminines, d’avoir recours à la justice.
 
Rappelant que Djibouti constituait un pays d’arrivée pour de nombreux réfugiés fuyant notamment les conflits dans les pays voisins, Mme Dah s’est inquiétée du poids de ces arrivées sur les capacités d’accueil du pays.  Elle a fait observer que 70% des demandeurs d’asile sont des femmes et des enfants et s’est inquiétée que 90% d’entre eux vivent dans des camps le plus souvent surpeuplés. Quels efforts l’État djiboutien a-t-il entrepris afin d’améliorer les conditions de vie dans ces camps, a-t-elle demandé? Comment l’État garantit-il l’accès de tous les enfants nés à Djibouti à un certificat de naissance permettant d’éviter les cas d’apatridie, a-t-elle en outre voulu savoir? Elle s’est par ailleurs inquiétée de la lenteur des procédures de traitement des dossiers des requérants d’asile.
 
La rapporteuse s’est ensuite inquiétée du fait que le port d’Obock se soit transformé en une plaque tournante de la traite des êtres humains, notamment à travers la mer Rouge.
 
Mme Dah a d’autre part souhaité savoir si les objectifs de scolarisation que s’était fixés l’État partie (100% en primaire et 90% pour les 11-15 ans) avaient été atteints. Elle a également demandé des précisions sur les progrès réalisés concernant l’accès à l’eau dans le pays.
 
Mme Dah a ensuite souhaité savoir si l’État djiboutien intégrait les droits de l’homme dans la formation du personnel judiciaire, des forces de l’ordre et des fonctionnaires publics. Elle s’est inquiétée d’informations faisant état de viols systématiques de femmes afars dans des casernes du nord et du sud-ouest du pays.
 
Un autre membre du Comité s’est félicité de l’augmentation du nombre de juges, qui est passé de 29 en 2000 à 131 aujourd’hui, avant de s’enquérir des procédures de nomination de ces juges.  L’expert s’est ensuite enquis de l’organigramme du système judiciaire à tous les niveaux.  Il s’est en outre enquis des critères retenus pour bénéficier de l’accès à l’aide juridique.  Combien de personnes appartenant à des minorités bénéficient-elles de cette aide?  L’expert s’est enfin enquis de la nature des 237 affaires traitées par l’Ombudsman depuis sa création.
 
Une experte a regretté que Djibouti n’ait pas souhaité publier de statistiques ethniques dans le rapport, par crainte d’une utilisation tendancieuse de ces données.  Elle s’est ensuite inquiétée de l’absence d’infrastructures juridictionnelles en dehors de la capitale, ce qui oblige les populations habitant dans le reste du pays à attendre les audiences foraines. Elle a souligné que cette absence d’infrastructures ne pouvait en aucun cas servir de justification aux lacunes en matière d’accès à la justice dans les cinq régions du pays. L’experte a ensuite souhaité savoir si la justice ordinaire prenait en compte la loi islamique au moment de rendre ses décisions. Elle a en outre regretté l’absence de données concernant l’appartenance ethnique des détenus dans les établissements pénitentiaires du pays et les voies de recours à leur disposition. L’experte a également demandé si le personnel judiciaire avait reçu une formation concernant les dispositions de la Convention et si cet instrument avait fait l’objet d’une diffusion auprès de l’opinion.
 
Un expert a voulu savoir si Djibouti avait pris des mesures afin de prévenir le travail des enfants.  Le pays a-t-il l’intention de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention reconnaissant la compétence du Comité  pour examiner des plaintes individuelles (communications).
 
Qu’en est-il de la place de la Convention dans la hiérarchie des normes de l’État partie, a pour sa part demandé un expert. Cet expert a insisté sur l’importance d’amender la législation en vigueur afin de définir clairement et de sanctionner les discours de haine.
 
À quelles formalités les associations et organisations non gouvernementales sont-elles soumises au moment de leur constitution, a-t-il également été demandé?

Réponses de la délégation
 
Concernant la société civile, la Constitution garantit la liberté d’association et ces dispositions constitutionnelles sont complétées par une loi de 1901 sur les associations héritée de la période coloniale, a indiqué la délégation.  Il n’existe toutefois pas de loi spécifique à Djibouti concernant la société civile, a-t-elle ajouté. Actuellement, a-t-elle précisé, quelque 750 associations sont recensées sur le territoire djiboutien, dont la majorité travaillent dans le domaine des droits de l’homme. Plusieurs d’entre elles ont participé à des ateliers techniques pour l’élaboration du rapport ainsi qu’à l’étape de sa validation, au cours de laquelle elles ont pu apporter leur contribution, a fait valoir la délégation.  La société civile compte également des associations qui ne bénéficient pas de la personnalité juridique, comme par exemple les collèges de représentants religieux, lesquels sont néanmoins régulièrement associés aux activités qui concernent la société civile, a ajouté la délégation.  Pour qu’une association soit reconnue en tant que telle, elle doit déposer une requête à la préfecture, qui pourra ensuite lui octroyer un récépissé.  Tout refus de délivrance de ce statut doit être motivé et peut faire l’objet d’un recours administratif, a précisé la délégation.
 
S’agissant de la place de la Convention dans l’ordre juridique interne, c’est-à-dire de la hiérarchie des normes à Djibouti, la délégation a indiqué que Constitution consacre le principe de la primauté du droit international et de la supériorité des traités internationaux. Conformément à ce principe et aux modalités du système juridique prévalant à Djibouti, il est possible d’invoquer directement les principes de la Convention devant les juges, a souligné la délégation. 
 
Concernant le système judiciaire, la délégation a indiqué que le tribunal de statut personnel est compétent pour les affaires relatives à la famille, notamment les mariages. Le tribunal de première instance est un tribunal de droit commun comprenant une chambre civile et une juridiction équivalente à un tribunal des prud’hommes.
 
À Djibouti, la sélection des juges se fait sur concours, sauf lorsque le besoin se fait sentir d’engager davantage encore de magistrats (que ceux issus du concours). Un diplôme de niveau équivalent à un master 2 dans une discipline judiciaire est exigé.  Un Conseil supérieur de la magistrature évalue ensuite les dossiers. Aucune considération ethnique n’entre en compte dans le recrutement de ces magistrats, a assuré la délégation, avant de faire observer que le pays compte davantage de femmes que d’hommes parmi les magistrats. Les agréments d’État délivrés aux avocats pour leur permettre d’exercer leurs fonctions ne sont qu’une formalité qui n’entrave en rien la liberté d’exercice de cette activité, a par ailleurs assuré la délégation en réponse à une question soulevée par un membre du Comité sur ce sujet.   La délégation a en outre réaffirmé l’indépendance entre le parquet et les juges.
 
La situation des régions, peu peuplées et dont n’émanent que peu de demandes judicaires, n’a pas justifié jusqu’à présent la mise en place d’infrastructures judiciaires dans ces zones, a ensuite expliqué la délégation. Toutefois, la justice étant un service public, il a été décidé, depuis 2007, d’organiser dans les diverses localités du pays des audiences foraines correctionnelles et concernant le droit de la famille. Un conciliateur se déplace par ailleurs une fois par mois avec l’appui, entre autres, du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) afin d’entendre les doléances des personnes vivant dans les camps de réfugiés du sud du pays, peuplés essentiellement de migrants venus d’Éthiopie et de Somalie qui partagent avec les Djiboutiens de nombreuses similitudes culturelles et religieuses. Le conciliateur peut, au besoin, monter des dossiers de litige.
 
S’agissant des établissements pénitentiaires, entre 550 et 600 détenus en moyenne sont recensés dans l’unique centre de détention que compte Djibouti, a indiqué la délégation. La part des femmes parmi les prisonniers ne dépasse pas les 5% et elles sont détenues dans un espace séparé, a-t-elle précisé. Un bureau du Comité international de la Croix-Rouge apporte une aide considérable dans le domaine de la santé en milieu carcéral, a ajouté la délégation.  
 
Une assistance judiciaire est en outre prévue pour les personnes placées en détention, dans le cadre d’une loi datant de 2011 ; le budget dédié à cette aide est de 20 millions de francs (120 000 euros). Un barème d’indigence a par ailleurs été établi afin que cette aide puisse être octroyée aux personnes les plus pauvres. En 2016, cette aide n’a été sollicitée qu’à 17 reprises, a précisé la délégation.
 
La délégation a en outre indiqué que Djibouti était composé à 99% - et non à 90% - de musulmans. Le pays est doté d’un Code de la famille moderne, qui prime aujourd’hui dans le pays lors de son application par le tribunal de statut personnel et le tribunal de première instance; la charia ne s’applique pas, même si les coutumes influencent encore l’application du droit en matière d’héritage, a indiqué la délégation.
 
La délégation a en outre indiqué qu’actuellement 27 000 réfugiés, dont 3000 demandeurs d’asile, se trouvent sur le territoire de Djibouti – le pays comptant un total de 810 000 habitants. Des écoles pour les enfants réfugiés, gérées par le Haut-Commissariat pour les réfugiés, ont été créées. Les visites des magistrats compétents en matière de droit de la famille et d’associations se sont par ailleurs multipliées dans les camps afin de répondre aux besoins, a fait valoir la délégation. Une antenne de police a également été installée à proximité d’un camp.
 
La loi de 2004 sur la nationalité permet de reconnaître la nationalité djiboutienne d’un enfant dont un seul des deux parents est Djiboutien, a poursuivi la délégation.  Les étrangers peuvent être naturalisés lorsqu’ils peuvent attester de dix années de résidence à Djibouti; cette durée de résidence est abaissée à 5 ans si le requérant est marié et a un enfant.
 
Concernant la traite de personnes, la délégation a indiqué que le port d’Obock est une zone de passage pour les migrants qui, certes, sont vulnérables au phénomène du trafic d’êtres humains, mais pas de manière systématique. En ce sens, parler de « plaque tournante de la traite » est abusif, a affirmé la délégation.  Des activités de sensibilisation et de formation ont été menées afin d’améliorer, notamment, les techniques d’enquête en matière de lutte contre la traite et d’identification des personnes victimes de ce phénomène et d’effectuer une différence entre traite des êtres humains et trafic de migrants. Des postes de santé ont par ailleurs été installés sur les corridors de passage des populations migrantes. Une aide au retour est également fournie avec le soutien de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
 
La délégation a indiqué que l’absence de données ventilées s’explique par la volonté de l’État de ne pas singulariser ethniquement la population.
 
La délégation a ensuite souligné qu’en dehors des institutions régaliennes, Djibouti a mis en place plusieurs institutions nouvelles dont le Conseil constitutionnel, la Commission nationale des droits de l’homme et le Médiateur de la République, qui jouent un rôle important pour assurer le respect de l’application de la loi et des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Leur composition est non discriminatoire: la Commission nationale des droits de l’homme comprend notamment des personnes issues de la société civile, des femmes, des personnes handicapées et des associations professionnelles et sa mission est de protéger et promouvoir les droits de l’homme. Cette Commission est compétente pour recevoir des plaintes et prendre contact avec les administrations ou les individus susceptibles de violer ces droits.  Elle est chargée d’élaborer un rapport annuel présenté au Ministre de la justice et des droits de l’homme, au Président de la République et au Président de l’Assemblée nationale. Elle émet également des recommandations qui sont prises en compte par le Gouvernement. Ses capacités techniques et financières ont été renforcées ; elle dispose de ses propres locaux ainsi que d’un budget accru de 43% pour l’exercice 2016-2017.  Actuellement, le Ministère de l’éducation nationale travaille en collaboration avec la Commission nationale des droits de l’homme afin d’intégrer dans le système éducatif des modules de formation concernant les droits de l’homme.
 
La Commission nationale des droits de l’homme et le Médiateur ont des rôles similaires, a poursuivi la délégation.  Plus spécifiquement, le Médiateur joue un rôle de passerelle entre l’administration et les administrés: tout justiciable peut saisir le Médiateur s’il considère que ses droits ont été violés par une administration. Le Médiateur produit également des rapports annuels pouvant pointer une collaboration insuffisante de la part de certaines institutions publiques.
 
Concernant l’accès aux services sociaux, la délégation a souligné que les personnes présentes sur le territoire de Djibouti peuvent avoir accès à l’école et aux services de santé sans aucune discrimination ; aucune pratique discriminatoire en la matière n’a été signalée ou dénoncée jusqu’à présent. Un système d’assurance maladie universel a été mis en place il y a trois ans, a rappelé la délégation.
 
Environ 50 personnes albinos ont été identifiées dans le pays, a poursuivi la délégation. Une structure d’accueil a été mise en place pour ces personnes, même si elles n’ont jamais fait l’objet de discrimination à Djibouti, a-t-elle ajouté.
 
La délégation a indiqué qu’actuellement 3 ministres sur 17 sont des femmes.
 
S’agissant des langues, la délégation a indiqué que l’administration travaille essentiellement en français. Toutefois, le personnel de l’administration peut répondre aux usagers dans les langues nationales.  Par ailleurs, quatre chaînes de télévision diffusent en langues nationales. Le français et l’arabe sont enseignés dès la classe d’initiation et l’enseignement de l’afar et du somali a été introduit progressivement dans l’enseignement.
 
La délégation a enfin indiqué que la société djiboutienne n’était pas encore demandeuse de modifier le matériel pédagogique afin d’incorporer des éléments d’histoire qui ne s’y trouvent pas.
 
Remarques de conclusion
 
MME DAH, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de Djibouti, a remercié la délégation et exprimé l’espoir que les observations finales qui allaient lui être transmises ne soient pas considérées comme des critiques mais bien comme des conseils en vue de la présentation du prochain rapport. Elle a en outre exprimé le souhait que la délégation djiboutienne partage la conviction du Comité quant à la nécessité de mettre en œuvre la Convention et de se conformer à la définition de la discrimination raciale qu’elle contient.
 
MME KADRA AHMED HASSAN, Représentante permanente de Djibouti auprès des Nations Unies à Genève, est revenue sur la question des statistiques ethniques, qu’elle a souhaité resituer dans le contexte du pays.  La question de la composition ethnique a été utilisée par le passé pour diviser la population et, plus tard, pour saper la volonté d’indépendance du peuple, a-t-elle affirmé. Il s’est donc agit, jusqu’à présent, d’éviter de mettre l’accent sur la composition ethnique et de se concentrer sur la création d’une nation une et indivisible, a-t-elle expliqué. Elle a réitéré l’attachement de Djibouti à la mise en œuvre de la Convention.

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